«Avec Hassan Belkhodja, c'est un grand serviteur de la Tunisie qui disparaît et en même temps un grand ami de la France. C'était un des hommes lucides et fervents qui sont tellement nécessaires aujourd'hui dans le gouvernement des Etats.»
Edgar Faure
“Au fond les hommes font ce qu'ils peuvent... en vertu de ce qui existe, mais aussi en vertu de ce qu'ils sont. Sur leur route, ils doivent toujours s'attacher à construire un quelque chose qui restera.”
Hassen Belkhodja
une certaine idée de la Tunisie
Hassan Belkhodja, né à Ras Djebel le 10 mars 1916 et mort le 29 novembre 1981, n'était pas seulement un spécialiste de l'économie et des finances, il était aussi l'une des personnalités les plus marquantes de la Tunisie indépendante.
Disciple de Bourguiba, Il s'est toujours caractérisé par une ferme constance dans ses idées. Ce site tente de retracer la vie de cet homme exceptionnel qui a vécu au service de son pays avec honneur, joie et abnégation.
BIOGRAPHIE
En 1934, au Lycée Carnot
Premier ambassadeur de Tunisie,
Hassan Belkhodja lors d’une cérémonie devant l’Arc de Triomphe, à Paris, où il a joué un rôle clé dans le processus d’indépendance de la Tunisie
Hassan Belkhodja, qui est mort subitement le 29 novembre 1981, n'était pas seulement un spécialiste de l'économie et des finances, il était aussi l'une des personnalités les plus marquantes de la Tunisie indépendante.
Disciple de Bourguiba, Il s'est toujours caractérisé par une ferme constance dans ses idées.
Né le 10 mars 1916 à Ras Jebel, près de Bizerte, il a fait ses études secondaires au lycée Carnot de Tunis, avant d'aller suivre les cours de la faculté de Droit de Paris, où il a obtenu sa Licence puis son Doctorat en 1950.
Dès sa jeunesse, il milite dans le Mouvement d'Indépendance. Il est membre de la délégation du Néo-Destour à Paris et président de l'Association des étudiants nord-africains de France, ce qui le destine tout naturellement à intégrer la délégation tunisienne lors des négociations tuniso-françaises en 1954, puis à représenter son pays en tant que Haut Commissaire, puis Ambassadeur à Paris. Charge qu'il occupera, en 1957, à Madrid.
En 1959, il délaisse la diplomatie pour la finance. Il est tour à tour fondateur, puis Président directeur général de la Banque Nationale de Tunisie, fondateur de la STIL, P.d.g. de la Société Nationale Immobilière de Tunisie, puis de l'Office du Commerce, fondateur de Nestlé Tunisie, avant d'accéder une première fois, en 1971, à la tête de la Société Tunisienne de Banque.
Cette carrière de grand commis a été entrecoupée par des responsabilités ministérielles : ministre des Affaires économiques en 1969, de l'Agriculture en 1974, des Transports et des Communications, puis des Affaires étrangères en 1979. En 1981, quelques mois avant sa mort, il quitte le gouvernement et renoue avec la présidence de la Société Tunisienne de Banques.
Marié et père de quatre enfants, Hassan Belkhodja ne s'est jamais départi, au cours de ses multiples et importantes activités, de son urbanité et d'un sens aigu de
l'humour.
Élu membre du Bureau Politique du Parti Socialiste Destourien en 1964 et député depuis 1971, il a été élevé, en 1974, à la dignité d'Ambassadeur de Tunisie. Il est décoré du Grand Cordon de l'Ordre de l'Indépendance et du Grand Cordon de l’Ordre de la République
Avec le Commandant Cousteau, à l'île de La Galitte en 1977
Avec l'équipe de Hand Ball
Temime, Si Hassen, Tarak, Bourguiba, Allala Laouiti
La Coupe de Tunisie de Football1980
En 1934, au Lycée Carnot
Le sourire, en toutes circonstances
A la maison Blanche
A l'ONU
Son bureau à la STB
A la FAO
Avec le Président Bourguiba
Avec les présidents Pompidou, Bourguiba et leurs femmes
Avec Shou En Lai en Chine
Avec le Shah d'Iran
Avec Elisabeth II
Avec Jimmy Carter
Avec Alain Savary
TEMOIGNAGE
PAR EDGAR FAURE
A Matignon, Edgar Faure traita officieusement avec Hassan Belkhodja les accords sur l’Indépendance.
C'est avec stupeur et avec une peine profonde que j'ai appris la mort inattendue de mon ami très cher, Hassan Belkhodja. Je l'avais connu à l'époque cruciale des accords franco-tunisiens et au moment même de ma rencontre avec Habib Bourguiba que j'avais tenu à recevoir à l'Hôtel Matignon dans mon bureau de Président du Conseil en 1955. Hassan Belkhodja a apporté une contribution précieuse à la conclusion de ces accords qui ont permis à la Tunisie d'accéder à l'indépendance dans l'entente et l'amitié de la République Française et de prendre son essor national sous la haute direction de son guide inspiré, le Président Bourguiba. Hassan Belkhodja fut par la suite le premier Ambassadeur de la République Tunisienne à Paris et déploya ses
qualités exceptionnelles pour assurer l'harmonie des relations franco-tunisiennes dans une période de mutation. De là datait entre nous une amitié très affectueuse et je puis dire véritablement fraternelle. Le Président Bourguiba avait demandé à Hassan Belkhodja de me recevoir et de m'accompagner dans tous mes déplacements en Tunisie. Je l'ai connu dans ses charges ministérielles successives notamment à l’Agriculture, à l'Economie et dans une période récente au ministère des Affaires étrangères. Nous avons souvent étudié ensemble des problèmes tenant aux relations franco-tunisiennes, en matière économique et sociale et nous nous sommes souvent entretenus des grands sujets de politique internationale sur lesquels rayonne la pensée de Habib Bourguiba, l'un des hommes d'Etat historiques de notre siècle. Hassan Belkhodja avait un grand attachement pour l'œuvre qu'il poursuivait à la tête de la STB dont il venait de reprendre la présidence et à laquelle il avait donné les caractères de l'établissement moderne adapté à ses missions économiques et, en même temps, il lui avait donné une âme. Avec Hassan Belkhodja c'est un grand serviteur de la Tunisie qui disparait et en même temps un grand ami de la France. C'était un des hommes lucides et fervents qui sont tellement nécessaires aujourd'hui dans les gouvernements des Etats.”
Edgar Faure
INTERVIEW
JOURNAL L'ACTION
Il décourage souvent les journalistes. Et, par dérogation à ses habitudes, M. Hassen Belkhodja, ministre de l'Agriculture, membre du Bureau Politique a amicalement accepté d'aller à son tour plus loin… avec nous. Cerner ce personnage d'une vivacité aîgue et d'une amabilité sereine n'est pas chose aisée. Très vite cependant il désamorce la méfiance et installe un climat d'aisance autour de lui. Son proche entourage dit de lui: "le mot impossible n'est pas dans son vocabulaire". De son entourage il dit: Seul pour moi compte le résultat. Je leur donne les moyens de réussir". De Hassen Belkhodja on se fait une idée plus ou moins diverse, complexe, antithétique. Chacun a la sienne. Nous les avons confrontées et lui avons proposé de s'y reconnaître :
Qui est Hassan Belkhodja ?
“Il est difficile de se juger soi-même au risque d'aboutir au narcissisme”.
Et de cette voix nonchalante qui n'appartient qu'à lui, il continue:
“En fait, j'ai une conception de la vie très simple. Je l'aborde avec optimisme parce que c'est ma nature.
Je suis sain, direct, sans arrière pensée, sans calcul.”
Est-ce ainsi que les autres vous voient ?
“Les réactions des gens sont tout a fait personnelles. Ceux qui me connaissent ont vis-à-vis de ma personne un jugement sain et objectif. Les autres - ceux de “l’ouï-dire” m'ont souvent avoué ultérieurement avoir rectifié leur opinion à mon endroit.
Par ailleurs, je n'accorde pas grande importance aux qu'en dira-t-on. J'estime que c’est une question de niveau, d'intelligence et d'honnêteté.
À cause de cela donc, je n'en veux pas à mes détracteurs. De toutes les façons, seul compte le respect que l'on a pour soi-même et pour le chemin que l'on s'est tracé.
Au fond les hommes font ce qu'ils peuvent... en vertu de ce qui existe, mais aussi en vertu de ce qu'ils sont.
Sur leur route, ils doivent toujours s'attacher à construire un quelque chose qui restera.
Vous venez de parler d'optimisme. On dit d'ailleurs que vous êtes optimiste. Pouvez-vous nous dire quelle est votre vision de l'avenir ?
Je pense, je suis sûr, et je suis même intimement convaincu que le monde va vers un avenir radieux. L'humanité passera, certes, des moments difficiles, mais j'ai confiance en l'homme de ce temps. Il ne peut que tendre vers son amélioration et son ascension.
Que respectez-vous par-dessus tout?
L'être humain, justement. Je n'ai jamais humilié un homme. Il m’arrive de me tromper, bien sûr. Je le reconnais toujours et je me fais un devoir de m'excuser auprès du plus humble de mes collaborateurs.
Il y a toujours quelque chose de bon dans un individu. C'est une affaire qu'on ne doit pas négliger.
Homme d'action, ou de réflexion, comment vous jugez-vous ?
On n'est jamais l'un ou l'autre. Je réfléchis beaucoup pendant mes heures de loisirs à toutes les charges dont j'ai la responsabilité, mais au moment de la décision, J'agis vite.
En général, mes décisions sont toujours, malgré les apparences, mûrement
réfléchies.
Vous êtes président de « l'Espérance Sportive de Tunis». Est-ce un hasard ou un choix ?
Un choix ... de M. Nouira, notre Premier ministre qui est lui-même un grand esprit sportif. Il m'a confié le destin de l'EST, que j'essaie de gérer comme une entreprise avec, comme seul souci, l’efficacité du résultat. Mais c'est l’une des entreprises les plus difficiles que j'ai jamais eu à gérer, et à cause de cela peut-être, j'ai fini par m'y attacher.
Vous arrive-t-il de vous «poser des questions » ?
Oui, assez souvent, sur le sens de la vie, sur l'avenir. Mais comme je suis profondément croyant, J'ai le sens de «la nécessité». C'est un principe que j’ai acquis dans mon milieu - théologien - et de par une formation gréco-latine.
La notion de «Nécessité» dans la philosophie grecque est aussi forte que celle du destin dans la religion musulmane. Ce qui ne veut cependant pas dire que je suis un résigné
Le père en vous ?
Mes rapports avec mes enfants sont très simples. Mes parents m'avaient laissé une grande liberté. J'agis de même vis-à-vis de mes enfants. Ils font pratiquement ce qu'ils veulent, dans la limite du raisonnable.
Je crois que c'est une bonne chose. Il faut laisser la liberté aux jeunes — encore que dans notre cas, c'est une source de conflits avec leur mère—. Ils pourront ainsi devenir ce qu'ils veulent vraiment être.
Pour vous, Monsieur le ministre, les traditions doivent-elles être maintenues ou bousculées ?
Maintenues et en même temps bousculées. Je m'explique : la tradition est indispensable et nécessaire. Comme base, comme norme. Pour une nation, une famille, un groupe social, elle se créé au fil des années, résultat de
comportements humains qui finissent par s'ériger en ligne de conduite, mais il faut savoir les adapter et pour ce faire, ne pas hésiter à les bousculer si le besoin s'en fait sentir.
Hassan Belkhodja, à quoi rêviez-vous à 20 ans ?
Bien avant 20 ans, je souhaitais déjà gérer de grosses entreprises. En rêve, j'échafaudais des plans et d’énormes projets industriels. je me surprenais parfois, en classe, à concevoir de fantastiques opérations financières et à résoudre de grandioses problèmes de gestion. Durant les récréations, je refaisais le monde, au cours de discussions animées avec mes camarades. Je mettais en valeur le Sahara... j'exploitais les fabuleuses richesses que je supposais y exister.
Le destin a voulu que je mette effectivement le Sahara en valeur, puisque le lutte contre la désertification est une des options de notre politique agricole.
Exigeant vis-à-vis de vous-même et des autres, on vous dit difficile à vivre. Est-ce vrai?
Pas du tout. Je suis effectivement dur pour le travail, la régularité, l'efficacité et les résultats... d'abord pour moi-même, ensuite pour les autres.
En dehors de cela, je me crois d'un abord très facile.
Quelle est la forme d'art à laquelle vous êtes le plus sensible ?
Le théâtre. Toute forme de théâtre d'ailleurs. Comédie, drame, tragédie. C'est un genre de spectacle qui m'a toujours fasciné par le pouvoir de Catharsis, qu'il porte en soi.
Et j'étais un spectateur assidu d'un Louis Jouvet, acteur prodigieux de son temps.
Craignez-vous la vieillesse?
Je ne suis plus très jeune, mais j'aime beaucoup la vie que je trouve
très agréable. Chaque âge a son charme ses joies, ses expériences. Cela tient peut-être à ma nature optimiste (un mot clé de Monsieur Hassan Belkhodja), conciliante mais certainement aussi au bleu de notre ciel. Parce que
voyez-vous, la plus belle chose qui soit au monde, c'est la lumière du jour. Et ceci aussi c'est de l'éthique grecque.
Propos recueillis par Mme Néfissa BEN SAID
DECES